Automne en Atypie

Comme un lundi, il fait beau en novembre

C’est une journée magnifique. Hier l’était également. Un 20° et un soleil radieux, des feuilles oranges et jaunes, des arbres qui éblouissent de lumière. C’est un beau 20 novembre, cette année. 

Avant je n’aimais pas novembre, c’est comme février (sauf qu’en février y’avait des vacances, je n’aimais pas quand les vacances étaient en mars). Je n’aime pas trop août nonplus car la lumière§re change déjà en aout et la végétation est fatiguée par les chaleurs. D’habitude, novembre est un mois où tombent les feuilles, ici, on ne profite pas longtemps des feuilles multicolores qui se dégradent en rouge, orange et jaune. Le mistral, les pluies orageuses des Cévennes les font vite tomber et devenir boue. Mais cette année est différente, soit dans la réalité, dans ma perception de ce mois et de sa lumière et de ces couleurs. 

Les feuilles restent sur les arbres et le spectacle est éblouissant. Nos rangées de platanes, de peupliers, m^mes les arbres fruitiers participent à la féérie. Le soleil est généreux, les températures si douces (Mon dieu, nous allons tous mourir!), et c’est doux.

Tout doux comme un chocolat chaud, comme ma nouvelle bouillotte nounours, comme Lotso qui sent la fraise. C’est lundi et c’est doux. C’est contrastant. Je m’apaise également. Le passé semble loin. Le passé et son épuisement, le passé qui m’a tant cassée. Aujourd’hui, je suis comme ce nouveau mois de novembre à ma réalité. Je m’apaise doucement. Même que ça fait un peu peur. L’apaisement. C’est presque inconnu. Avant mes 8 ou 9 ans, c’est dire. Et encore? Et la partie de moi qui avait pris l’habitude d’être alerte, en hyper vigilance est toute étonnée d’être en berne, au chômage technique, sans cause à défendre. Elle se défend, elle. Elle n’est jamais bien loin et peu lui en faudrait pour reprendre sa place. Et pourtant, apaisement. Je le sens en moi. Le combat n’est pas gagné. Bien sûr, tout est prétexte. Une nouvelle, une nouveauté, un jour de boulot bien rempli, un appel tard le soir, des douleurs à l’intérieur de moi, des flashs, des souvenirs, une chanson, et j’en passe, ça ne peut être exhaustif, et la pointe bien connue revient. Se fait sentir, c’est une vieille copine, que l’on sait toxique mais dont on aime les bons côtés. Je ne veux pas l’éradiquer, elle m’accompagne depuis bien longtemps, elle a été fidèle, bien plus fidèle qu’aucun.e autre. Bien plus performante également. Car sans elle, je ne pourrais être là à m’apaiser en remarquant que cette année, les feuilles restent accrochées aux arbres et que c’est jolie. Sans elle, je n’aurais pas résisté, aux épreuves, au temps, à l’acharnement. Sans elle, je ne saurais pas tout ce que je sais : sur moi, sur les autres, sur la vie et le monde. Sans elle, je ne serais pas celle que je suis, qui respire plus doucement aujourd’hui et apprend à desserrer les mâchoires la nuit. (tout mon corps d’ailleurs, pas seulement les mâchoires, quand elles se serrent, tout se serrent).

C’est pas gagné, mon corps est serré même s’il est flex et flexible. Même s’il est vivant, c’est un peu comme s’il n’osait pas encore s’étendre, prendre toute sa place, pleinement être et prendre, se poser et respirer. Comme s’il ne voulait pas prendre toute la place, trop se montrer, trop vivre. C’est mal vu de trop vivre? Au milieu des visages fermés, un sourire semble étrange. Au milieu des yeux morts, un pétillement fait tâche? Un éclat de rire semble suspect, décalé. Et pourtant, c’est ça qui résiste à l’intérieur : sauter, danser, rire, éclater de rire, chanter, crier! éclabousser, se rouler dans les feuilles quand elles vont tomber, puis courir et jouer à Chat, s’embrasser, se regarder pétiller, et s’emplir de désir, de plaisir que l’on s’échange, d’amour que l’on fait jaillir et qui ne retombe pas, juste parce que l’on a décidé que ça resterait tout en haut, jusque au dessus de nos têtes, un endroit qui nous accueille quand la vie s’enfuit, un endroit qui nous recueille quand on joue, simplement parce que c’est fait pour ça la vie, jouer, jouer, jouer. 

Traverser les saisons, traverser le temps, ne pas vieillir autrement que dans son expérience à jouer. Et expérimenter encore et encore. Jouer c’est tout, c’est apprendre, c’est comprendre, c’est rire, c’est travailler et aimer, c’est danser et essayer, c’est chanter  faux et réessayer, c’est expérimenter le chaud, le froid, la douleur et le plaisir qui brule, c’est vouloir tout et rien à la fois, c’est se remplir et se vider, aimer le vide et détester le trop, et en même temps l’inverse. Jouer c’est bien vivre puisque la vie n’est rien en soi, indéfinissable, intouchable et indescriptible. La vie n’est que ma réalité dans mes mots aujourd’hui. Elle était autre hier, et dans une seconde. Elle est autre dans ta réalité, demain et à jamais changeante. C’est donc bien un jeu? 

L’erreur grossière serait, comme je l’ai fait tant d’années, à la croire sérieuse et définie. A la voir entière et écrite. A prendre sans reprendre, à se croire importante. 

Un jeu. Dans la définition du petit Robert, donné par google :

nom masculin
1.
Activité physique ou mentale dont le but essentiel est le plaisir qu’elle procure.
amusement, divertissement, récréation, ludique
2.
Activité qui présente un ou plusieurs caractères du jeu (gratuité, futilité, facilité).

 

Voilà, ça définitionne bien finalement, ce qu’est la vie lorsque l’apaisement et le rire, et, oui, allez, j’ose le nom : lâcher prise entrent en jeu. C’est vachement plus fun quand même. On conserve un cadre, les règles du jeu, que l’on peut bien sûr, modifier, violer, changer, faire évoluer à mesure que le jeu évolue. C’est rassurant, un cadre. Et en même temps, c’est fait pour être remis en cause. Négocié, déformé, perverti, ignoré. C’est le jeu. Comme tricher au monopoly et ne pas pouvoir rembourser la banque. C’est prendre le risque d’être un mauvais tricheur, ou un mauvais joueur. Mais merde, c’est quand même plus sympa qu’abriter Stress, Angoisses et Rigidité toute une durée de vie humaine. De vivre avec « C’est pas sérieux, c’est risqué, ça s’peut pas, ça s’fait pas, et tu penses à ta retraite? ». 

Et j’ai beaucoup trouvé dans ces mots qui précèdent, mais finalement, ces feuilles qui s’accrochent aux branches, j’ai sacrément envie de les voie tomber doucement et pouvoir aller sauter d’dans à pieds joints, tomber et rouler, prendre des risques et sourire des sensations que cela amène, aller encore plus haut avec ma balançoire jusqu’à me croire aller jusqu’aux étoiles. C’est vivre, c’est sourire, c’est avancer, c’est rejoindre chaque journée avec la certitude que l’on va la rendre belle et douce et colorée. C’est ouvrir les yeux et découvrir toute une multitude affolante de chatoiements et de sensations folles et délirantes à souhait. C’est risquer de dire une bêtise enfin, c’est faire exprès de tomber à côté, c’est aller plus loin encore dans ce décalage qui est finalement la Vie. Quoi d’autre? Puisque ça vit là. C’est décider que, plutôt que stress et anxiété de société, ces décalages vont devenir source de puissance et de pouvoir intérieur à faire naître le bonheur des jours. J’aime bien l’idée.