Des maux de poésie en Atypie

Les mots plein de bouh (ou les maux plein de boue)...

Qui peuvent devenir également des maux plein la bouche ou des mots dits en boucle, des pensées qui s’interdisent avant de se dire. C’est parfois comme cela qu’on se réveille le matin, ou qu’on s’endort la nuit. Des mots tus sur des maux trop enfouis. Qui font mal même lorsqu’ils affleurent à la conscience et découvrent la lumière en sortant de l’ombre. L’ombre détruit, et ensorcèle, mais on oublie de révéler que la lumière éblouit et que trop d’ombres sorties peuvent rendre les mots des maux toujours douloureux et que la souffrance maudite réagit et emprunte malgré moi la même trace, les mêmes biais, emplissent la bouche pour ne pas être dis.

Qu’est ce que je veux encore taire? Qu’est-ce qui me brule lorsqu’Abandon revient? Quelle est cette douleur indicible et pourtant sombre et connue? De mon cerveau s’enfuit et s’embrouille, de mon ventre se serre et se noue en noeuds des sinueuses qui rampent et crient, et réclament : « J’ai besoin de quelque chose qui n’existe pas, qui n’est plus et n’a jamais été. Je réclame un Idéal déchu, un amour entier et inégalable qui a disparu dans la croissance de mes membres, de mon sexe de fille et de mon esprit. Un paradis de sécurité et de raisins sans pépins et de baignades dans les branches de cerisiers, l’été semblait sans fin et la douceur du temps me tenait la main. Tout n’était que sensations et autour de moi, dans mon monde épanoui, l’Amour recevait chaque instant des marques de délice exquis, éparpillement d’être sans paraitre. Sensations douces dans ma chair, bribes de souvenirs lumineux et comme une coccinelle en mai, je me nourrissais doucement. 

Quand cela a-t-il changé? Le monde tout à coup s’est assombri. Un cadeau, une platine vinyle, je suis seule tout à coup et le monde se referme sur mon imagination. L’Amour s’est perdu, allé à un autre. Non désiré. Non attendu. Il pleure, il crie, il dévore la maison toute entière de son appétit avide et colérique. Je l’aime et le hais à la fois. Ma conscience est là, apparait bien malgré moi face à cet inconnu en langes. Premiers maux et des mots que je n’entends plus. Des chants oubliés, des comptines parties dans la boue et le sable, et les cailloux ne veulent plus de moi. 

Oubliée dans ma chair, oubliée dans mon âme de fille. Juste une fille et résolue à mettre des robes désormais. Pour pleurer des Bouh. Et arrêter de jouer dans la boue. Et pourtant c’était si chouette la boue. » 

Et l’Abandon, terrible et exutoire. Un Abandon qui tord le ventre et fait suer et puer. Il transpire de crasse cet Abandon lorsqu’il re-pârait. Il transpire et il pue. Il fait mal. J’en ai plein la bouche. Comme le pus de ma dent qui s’écoule. J’ai mal au ventre et je suis en colère. Une colère qui fait pleurer. Une colère. Une Injustice. Car oui, je vous en veux, je vous déteste si fort. De votre abandon, de votre désistement, de votre rabais devant cet autre qui n’est pas moi puisque je suis fille. Que mon sexe n’est pas tout-puissant, conquérant. Je ne suis qu’une fille alors, hélas, et je rêve d’écraser les garçons. Plus forte, meilleure, plus grande, intelligente, sage, douée, autonome, parfaite, n’est-ce pas? Et pourtant l’Abandon toujours, malgré la perfection. Que veulent-ils pour m’aimer encore, plus , davantage? L’abandon qui arrache, frappe, déteint, et l’esprit qui monte, monte, plus haut. Ne plus le sentir, ne plus percevoir ce trop et vide, ce vide si plein de toute cette boue.

Aujourd’hui encore, tu reviens. Je te connais bien maintenant, je sais d’où tu viens, je te connais bien, je sais qui tu es, je t’acceptes, je t’accueilles en mon sein, je ne veux que te protéger. Petite innocence, douce naïveté, délicieuse enfant. Un mot, une absence, une inquiétude. Tu es là, tu m’accompagnes dans ma journée, là, dans mon ventre.

Et par mes mots, je tente, de transformer cette boue qui me bouh en me dressant debout. Femme qui ne s’abandonne plus qu’à elle-même et ses mots.