Sambre, ou quand le viol était classé en main courante

56. C’est le nombre officiel de viols commis en plus de 30 ans par un seul individu, père de famille et ouvrier modèle, bien connu de tous, coach dans le club de foot du coin, pote avec les gendarmes du cru. Monsieur tout le monde. Déjà, en insistant bien sur ces détails la série est glaçante. Répugnante, bouleversante. Tout du long, on se sent mal à l’aise et certains passages sont difficiles à regarder, à appréhender, encore plus car on a beaucoup de mal à mettre du sens. Et à ne pas hurler à l’injustice, à la bêtise patriarcale, à cette lâcheté masculine dès lors qu’on traite des affaires de « bonne femme ». 

Car c’est aussi ceci qui frappe dans les 6 épisodes : la contre exemplarité des gendarmes. La violence des méthodes, des mots, leur capacité insultante à placer la victime en accusée, une imbécillité grossière et une absence de valeurs remarquable. La femme est un objet et le viol un passage obligé? « Pas la peine d’en faire autant, madame. C’est rien. Une douche, un dodo et ouvrez les cuisses pour votre petit mari, ça ira vite mieux, ne vous inquiétez pas. »

J’avais 10 ans en 1988. J’ai vécu ces années 80, et les décennies suivantes sous fond de vagues de féminisme. Les choses semblent avancer, on parle, on lit, on dit, on commente, on participe à des groupes de paroles et des cercles de femmes, certaines séries et films bougent, des livres et des témoignages se publient… et pourtant, en sous-main, dans les faits, le quotidien, le tous les jours, où en sommes-nous? Où en sont les jeunes filles et les jeunes garçons? Où en sont les couples hétérosexuels? Où en sont les femmes dans leur sexualité quotidienne? Car c’est bien de craintes, de dégouts parfois et de peur dont il s’agit. Outre les croyances bien ancrées sur la sexualité en général et la sexualité féminine en particulier (« Touche pas ta minette c’est sale », « montre pas que tu aimes ça, ça fait pute », « force toi un peu, on passe toutes par là »….), les rapports femme-homme sont emplis de méfiance et d’inconnu, et d’incompréhension et de questions. Peu nombreux sont les couples où la communication sur le sexe est déliée et sans tabou.

Selon l’Insee, en France, ce serait plus de 200000 agressions sexuelles sur majeures dont 77 % de femmes chaque année. Et tandis que 81% des femmes hésitent à porter plainte, 70% des plaintes pour violence sexuelle sont classées sans suite. 

D’ailleurs, selon Topito, plus d’1 française sur 3 a déjà subi un rapport sexuel sous contrainte. En acceptant de coucher avec un mec trop insistant, acceptant un acte pour faire plaisir, ou trop bourrée ou droguée ➫ Les violences sexistes et sexuelles, NousToutes

Oui quelque chose bouge. Un peu. Mais au vu des chiffres, pas tant que ça. Et dans ma pratique, je rencontre plus souvent des femmes meurtries, par une agression, un ou des viols, par l’inceste. Des filles qui n’ont rien dit. Ou quand elles l’ont courageusement fait, ce sont trop souvent entendu dire : « Chut, ne dis rien, c’est pas grave, ça va passer. ». Et trop souvent, ces mots venaient de leur propre mère. Héritage empoisonnée, rôle subi et pleinement assumé? Le viol est encore une fatalité dans l’inconscient collectif, une fatalité qu’il faut taire car c’est c’est honteux, la femme y est forcément pour quelque chose, ou sa jupe ou son rouge à lèvres peut-être? Une fatalité qui permet qu’il soit classé sans suite.


   Texte en cours d’écriture, sois patient.e 😉